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Erasmus en balade en Bavière
31 mai 2006

De l’horrible danger de l’ironie

 Trois coquelicots géants dans votre cuisine à 3 heures du mat’, ça vous est déjà arrivé ? Je précise à l’attention de certains esprits mal intentionnés que la parenté de forme et de couleur avec l’éléphant rose n’est que purement fortuite. Peut-être eût-il d’ailleurs mieux valu que c’en soit un, car lui, après une bonne nuit, il disparait. Les coquelicots, ils restent !
 Je m’explique, profitant d’une absence fortuite de ma part, et jouant de l’obscurité complice, ma colloc’, que nous appellerons S. pour préserver son anonymat, a installé ces spécimens du bon goût et des arts décoratifs aux murs de la cuisine. Rentrant ensemble de la soirée, elle me présente naturellement son chef-d’œuvre. Et là, choc. *musique dramatique*
 « Oh, mais on peut aussi leur trouver une autre place, si ça te plaît pas, c’est vrai que ça fait beaucoup de rouge… ». Bon, et là, drame.*Re-musique, re-dramatique*. Oubliant tous ces mois passés en Allemagne, à m’intégrer pas à pas, à décortiquer l’implicite culturel, je répond, avec l’innocence teintée d’ironie qui me caractérise et dont on affirme qu’elle serait typiquement française : « Oh, oui, par exemple au plafond, c’est dommage tout cet espace inutilisé ». (Les lecteurs assidus auront noté qu’il s’agit d’une citation d’un des plus grands auteurs contemporains. Un coquelicot à qui me citera le titre de l’ouvrage.)
 Normalement ça clôt la discussion, la personne ainsi interpellée et blessée dans son amour-propre d’artiste va se coucher et méditer à la condition de l’homme (en l’occurrence de la femme) de l’art dans notre société industrialisée. Accessoirement ce n’eût pas été de refus, la journée et la soirée avaient été longues.
 Réponse enthousiasmée : « Super idée, j’y avais pas pensé, t’es pas fatigué ? On s’y met tout de suite ! ». *Une minute de silence par respect pour la victime, c'est-à-dire votre serviteur*

 

 *Merci* Ni une ni deux, l’escabeau est mis en place, les coquelicots positionnés, les tiges réarrangées… Vers 4 heures, le résultat est jugé satisfaisant. Rompez les rangs, chacun va se coucher.
 Le lendemain matin, St. (l’autre colloc’) trouvera, à son grand étonnement, 3 coquelicots et autant de tiges sur le sol de la cuisine. Le double face n’est visiblement pas prévu pour les plafonds…
 S. m’a haï pendant au moins 2 minutes quand je lui ai expliqué que mon idée n’était pas à prendre au sérieux, que c’était de l’ironie. Oui, de la dérision, une manière détournée de dire que plus ils étaient loin de ma vue, mieux c’était. Mais j’ai fait amende honorable, on a profité de l’après-midi pluvieux pour accrocher des photos aux murs. Et en toute modestie, je suis assez content de moi, il s’agit en effet majoritairement d’œuvres issues de ma production personnelle, exprimant mon moi profond d’artiste, les trépidations d’une crêpes bretonne ainsi qu’une dénonciation de la condition du gouda à Bruxelles. *Mode ironie - Off*.
 La conclusion, c’est que tant que vous pouvez, évitez l’ironie en allemand : dans le meilleur des cas, on vous regarde avec de grands yeux, et dans le pire, vous vous retrouvez à coller des coquelicots au plafond au milieu de la nuit.

  Et comme ma petite, mais plus si petite, enfin bref c'est pas le sujet, soeur (n°2 pour les intimes) m'a trouvé un bel article sur l'humour allemand vu par The Guardian, je m'en vais vous en faire une adaptation de derrière les fagots. Je ne vous dit que ça...

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